La junte militaire algérienne a de nouveau été accusée de torturer des détenus politiques au niveau de son centre dit « Antar », située à Ben Aknoun, Alger.
Sami Dernouni, un militant du Hirak et son équipe juridique ont révélé lors de son procès tenu ce mardi 2 mars que les services secrets, qui relèvent de l’armée (ANP), avaient torturé le militant pendant 106 heures.
Commentant ce qui s’est passé pendant le procès, Ali Fellah, avocate du militant, a déclaré que « Sami Dernouni a fait des déclarations très sérieuses devant le juge et le représentant de l’accusation. Il a affirmé avoir été déshabillé, battu, torturé avec un Taser électrique ».
Sami Dernouni a ajouté que les aveux récoltés pars ses interrogateurs « ne sont pas les siens », ayant été extraits au cours de la séance de torture. Abdellah Heboul, autre membre de l’équipe juridique constituée pour défendre le détenu politique, a également dénoncé les irrégularités flagrantes dans cette affaire, notant que son dossier est entaché « d’irrégularités, dont la privation d’un examen médical (…) Il a été détenu pendant 106 heures. Il est obligatoire de le présenter à un médecin. Mais cela n’a pas été fait. Dans le rapport, il est dit que l’interrogatoire a eu lieu à Blida, tandis que Sami Dernouni dit avoir été détenu à la caserne Antar qui se trouve à Alger ».
Le verdict pour Sami Dernouni est attendu le 9 mars, il fait face à des accusations d’incitation à un rassemblement, d’atteinte à l’unité nationale et d’atteinte à la sécurité nationale. Des accusations souvent utilisées pour faire taire les opposants politiques.
Les révélations faites par Sami Dernouni sont survenues à peine un mois après des allégations similaires faites par un autre détenu politique. Walid Nekkiche, un étudiant, avait déclaré lors de son procès qui s’est tenu le 1er février, avoir été abusé sexuellement et torturé. Il avait accusé les services secrets de l’avoir agressé sexuellement pendant des jours au centre d’Antar à Alger, y compris par l’utilisation d’un manche à balai.
Walid Nekiche avait été arrêté le 26 novembre 2019 et détenu sans procès pendant 14 mois. Confronté à des accusations d’atteinte à la sécurité nationale et de complot contre l’État, il a également été accusé d’avoir tenu un journal intime critique de la junte qui avait été retrouvé dans sa chambre, une allégation qui a suscité beaucoup de dérision sur les réseaux sociaux.
La demande d’emprisonnement à perpétuité formulée par le procureur a été ignorée par le tribunal, il a finalement été condamné à 6 mois de prison. Ayant déjà passé 14 mois en prison, il a été libéré le 2 février.
Au cours du procès, Walid Nekkiche avait affirmé avoir été « agressé sexuellement, physiquement et verbalement par les services de sécurité lors de son interrogatoire » selon le CNLD (Comité National pour la Libération des Détenus). S’adressant à Radio M, Nabila Smail, une de ces avocates a dénoncé « des aveux obtenus sous la torture », ajoutant « il existe un arsenal d’articles répressifs allant jusqu’à la peine de mort, et un dossier vide. Il n’y a pas de faits. Il existe un jugement de la chambre d’accusation qui se fonde sur des rapports de police établis sur la base d’aveux recueillis sous la torture. La torture est avérée, nous l’avons dénoncée ».
Selon son équipe juridique, le tribunal avait rejeté leur demande de faire examiner Walid Nekkiche par un médecin afin d’établir un rapport médical.
L’Algérie est un pays signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture (UNCAT).
« DRS terroriste »
Le moment choisi pour ces révélations ne serait pas une coïncidence selon un officier des services secrets qui s’est entretenu avec l’Algiers Herald sous couvert d’anonymat. Pour la source authentifiée, « la junte a cherché à terroriser la population avant le 22 février, ils veulent dire aux hommes algériens qu’ils sont prêts à les agresser sexuellement s’ils participent au Hirak ». La tentative d’intimidation de la population algérienne a eu l’effet inverse, le Hirak étant revenu en force depuis le 16 février dernier. Par ailleurs, les Algériens appellent désormais à un Hirak « structuré » et à une hausse de la pression à travers une désobéissance civile ou encore des grèves générales.
Les allégations de Walid Nekkiche ont suscité un tollé dans le pays, conduisant à l’émergence de nouveaux slogans comme nous avons pu le constater lors des récentes manifestations populaires, en Algérie et à l’étranger.
À travers les différents slogans constatés lors des manifestations, les manifestants ont dénoncé les services secrets (communément appelés « DRS ») comme étant une organisation terroriste. Le dictionnaire d’Oxford définit le terrorisme comme étant « l’utilisation illégale de la violence et de l’intimidation, en particulier contre des civils, à des fins politiques ».
La junte militaire algérienne est soutenue – et armée – par des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment par la France et le Royaume-Uni, tandis que la nouvelle administration américaine a pour le moment fait preuve de retenue en ce qui concerne un soutien public à junte militaire.
